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Le total contresens de la QVT à la française


Imaginez, vous travaillez dans une entreprise qui vous propose le package suivant :


·     Des bureaux colorés et confortables, avec énormément d’espace

·     Autant de salle de réunion que possible

·     Des endroits pour s’isoler si besoin

·     Une cantine avec des menus de rêve, et pas chère

·     Une salle de sieste

·     Des cours de yoga et de méditation gratuits

·     Des massages à volonté

·     Un accord de télétravail sans limitation de jours

. Des formations sur tous les sujets que vous souhaitez

·     Une salle de pause avec de quoi manger et boire toute la journée, des jeux vidéos, une table de ping-pong et un baby-foot

. Des managers formés à la bienveillance et sympas.


Génial… non ? Je suis d’accord avec vous.


Mais si je vous dis que dans cette entreprise, un cadre ne peut pas partir avant 19.30 ou 20.00 tous les jours s’il ne veut pas passer pour un tire-au-flanc, qu’il doit répondre à ses mails le soir, le week-end et, bien entendu pendant ses vacances ? Ça fait moins rêver tout de suite.


Et pourtant, c’est la réalité de beaucoup de personnes, pour ne pas dire la majorité. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais nous sommes capables de dire précisément à quelle heure est parti un salarié le soir ; par contre, son heure d’arrivée, tout le monde l’ignore. Une personne arrivant à 9.30 et partant à 19.00 tous les jours va être considérée comme étant hyper impliquée alors que celle qui arriverait à 8.00 et partirait à 17.30 ne le serait pas alors qu’ils font le même nombre d’heures. Pire, la seconde personne va entendre régulièrement cette phrase insupportable au moment de son départ : « ben… tu prends ton après-midi ? ». Le présentéisme, qu’il soit physique ou numérique est un drame, et je pèse mes mots.

Le travail c’est la santé… mais alors, à quoi sert la médecine du travail ? Pierre Dac

10% des salariés français ont ou vont faire un burn-out et ce n’est certainement pas en changeant l’environnement de travail que cela changera. Pourquoi ? Parce que l’absence d’une table de ping-pong ou de bureau agréable n’a jamais causé de burn-out. La réalité du burn-out, c’est une trop grosse charge de travail mais, surtout, le fait de ne jamais déconnecter, au sens psychologique du terme, de ce travail.


Je rencontre un grand nombre d’entreprises qui ont des stratégies de QVT ambitieuses mais quasiment aucune qui s’attaque de front au présentéisme. Dans les grands groupes, à ma connaissance en tout cas, seul Michelin a une politique volontariste. Un exemple ? Si vous vous connectez plus de trois fois dans le mois à votre boite email en dehors des horaires de travail, vous recevez une alerte et, si cela se reproduit, un entretien avec votre hiérarchie et la DRH sera organisé pour voir quel est le souci et y trouver une solution.

En Suède, passé 17.00, plus personne ne travaille, en Allemagne, Volkswagen a décidé de couper ses serveurs mail à 17.45, aux États-Unis, un salarié qui partirait tous les jours après 18.30 serait considéré comme mal organisé.


Mais attention, je ne dis pas que toutes les évolutions citées en introduction ne sont pas utiles ; ce que je dis, c’est que leur impact sera réduit à néant tant que les entreprises ne s’attaqueront pas de front au sujet du présentéisme numérique et physique. Nous sommes les numéro deux mondial en termes de burn-out et numéro deux européen pour l’absentéisme, ce dernier coutant chaque année 108 milliards à l’économie française. Le présenteisme, lui (le fait, par exemple de venir travailler lorsque l’on est malade au risque de contaminer tout le bureau) couterait entre 13 et 25 milliards d’euros. Le présentéisme ajouté à l’absentéisme couterait donc entre 121 et 133 milliards d’euros chaque année, l’équivalent de 2 252 755 à 2 476 169 salariés temps plein avec le salaire équivalent au salaire mensuel moyen français, soit 2 238€. Oui... vous avez bien lu. Le fait de travailler trop participe au fait que la France soit l'un des mauvais élève de l'Europe en termes de chômage. Le Danemark, le pays où les salariés travaillent le moins en Europe a un taux de chômage de 4.6%. Bien entendu, tout n'est pas aussi simple, et il ne faudrait pas tomber dans le yaquafautquon, mais ça fait réfléchir tout de même, non ?


J’entends souvent dire des manager français dire que nous, les français, sommes les cadres les plus productifs du monde… peut-être, mais quand nous travaillons. A quoi bon travailler comme des dingues si c’est pour être plus malades et plus absents que les autres ? Combien de salariés français se plaignent d’être surchargés de travail, de ne pas avoir assez de temps pour tout faire ?


Et si c’était notre relation malsaine au travail qui était à l’origine de tous nos maux, chômage comme mal-être au travail ? Oui, si nous adoptions le système suédois, nous serions obligés de recruter pour effectuer le même travail mais, clairement, l’absentéisme chuterait.

Le problème ? Aucune entreprise ne veut jouer la carte du moyen ou du long terme et préfère continuer avec le système actuel qui valorise le présentéisme physique et numérique.


Alors oui, cela peut sembler utopique mais le nombre de burn-out augmente d’années en années. Le système des start-up qui semblait être le paradis des générations Y ne plait plus au générations Z qui sont moins de 20% à vouloir y travailler et qui ont bien compris que l’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle n’est affaire de baby-foot, de cours de yoga ou de bureau super design mais bien de volonté de la part de l’entreprise. Parfois, les entreprises savent prendre le taureau par les cornes comme Ernst & Young qui, en Australie, pour attirer des candidats a décidé de donner 12 semaines de congés payés par an à ses salariés.


La Qualité de Vie au Travail, soyons honnêtes, c’est quand nous n’y sommes pas. A force d'agir uniquement sur toutes les possibilités pour faire que les salariés se sentent bien dans l’entreprise, nous avons fini par oublier une évidence : nous rechargeons nos batteries quand nous ne pensons pas au travail et, à ce jour, il y a des milliers de professionnels de la QVT, des centaines d’entreprises qui revendiquent avoir une politique forte en la matière, mais finalement, tellement peu qui s’attaquent au vrai problème. Tant que la question du présentéisme physique et numérique ne sera pas traité, j'en fais le pari, le niveau de burn-out et d'absentéisme ne baissera pas en France. Et je n'ai aucun doute sur la bonne foi de tous les professionnels de la QVT qui prêchent pour leur paroisse... mais leur action n'aura aucun impact réel tant que le "péché originel" ne sera pas traité.


Comme le chantait Henri Salvador de façon assez prémonitoire, en 1965, "le travail c’est la santé, ne rien faire la conserver ! Les prisonniers du boulot font pas de vieux os " Plus le temps passe et moins les moments où nous ne faisons rien sont rare. Pas étonnant que notre santé soit de moins en moins bonne.



Pour aller plus loin :


Je suis auteur, chroniqueur et conférencier... ci-dessous, quelques liens utiles.


Et beaucoup plus de contenu sur www.gchatelain.com






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