Faut-il vraiment que vous sortiez de votre zone de confort ?
Je vais être franc, cet article est un coup de gueule ; un coup de gueule contre un concept qui me gêne depuis des années : celui de sortir de votre zone de confort.
Alors, la théorie est « sympathique », certes. Selon les tenants de cette théorie, sortir de sa zone de confort, c’est cela qui vous permet de découvrir de nouveaux territoires, de vous développer personnellement, professionnellement, de trouver votre… « vrai vous ». Et quand vous lisez des articles sur le sujet, ils sont souvent intéressants, très construits et souvent concrets.
Ils oublient seulement une chose essentielle : pour pouvoir sortir de sa zone de confort, encore faut-il en avoir une, et/ou avoir conscience d’en avoir une.
Trop souvent, les théories du développement personnel partent du postulat que l’être humain est unique, construit de la même manière et que, surtout, la même recette appliquée à chaque personne fonctionnera exactement de la même manière.
En fait, la théorie de la sortie de la zone de confort comme solution à tous nos problèmes existentiels me fait penser à ces marronniers de printemps qui nous expliquent comment perdre nos kilos superflus en un claquement de doigts avant la saison des maillots de bain. Et bien non, ce n’est pas aussi simple. Et au même titre qu’en termes de diététique, nous avons toutes et tous un métabolisme qui nous est propre, en termes de développement personnel et professionnel, il est fondamental d’apprendre à se connaître avant de se lancer dans des grands programmes de changement.
Et pour se faire, il me semble primordial de vous poser quelques questions simples.
1- Avez-vous une zone de confort ?
Pour être schématique, dans nos vies professionnelles, nous pouvons diviser nos journées en trois catégories :
· Les taches qui nous stressent
· Les taches qui nous plaisent et nous apaisent
· Les taches qui ont un impact neutre
Cela peut sembler trivial de le préciser, mais avant de vouloir sortir de votre zone de confort, encore faut-il savoir si :
· Vous avez une zone de confort
· Si oui, en déterminer les contours
Le schéma ci dessous résume assez bien, je crois, la réalité de notre quotidien au travail. Un exercice simple à faire est de lister ce qui constitue chacune de ces zones ! Il n'y a aucune des trois qui soit plus importante que les autres... elles sont complémentaires et ce que j'appelle la zone d'action est la rencontre de ces trois zones. Si cette zone est trop petite... rien de grave tant que vous en êtes conscient.e.
Ce qui est dommage avec ce concept de sortir de cette zone de confort, c’est que cela part du postulat que nous avons toutes et tous une zone de confort. Quand plus de 45% des salariés se déclarent en détresse psychologique, il me semble plutôt urgent pour les entreprises et les managers de se poser la question de comment construire une zone de confort plutôt que d’en sortir !
En résumé, la question primordiale à se poser est la suivante : quelle est votre zone de confort ? Y a-t-il dans votre vie professionnelle des moments durant lesquels votre niveau de stress est à zéro, durant lesquels tout va bien et durant lesquels vous n’avez absolument aucune crainte de vous tromper ou d’être mal jugé ?
Quand on parle de zone de confort, il faut bien avoir conscience que l’on parle de quelque chose qui n’est pas aussi évident que cela, et c’est pour cette raison que j’écris cet article : NON, il n’est pas aussi simple qu’il peut sembler d’avoir une zone de confort établie… et que pour autant, il est important d’en avoir une pour une raison simple : c’est reposant !
Par ailleurs, nous sommes des êtres-humains, avec toute leur complexité, rien n'est jamais tout noir ou tout blanc et, surtout, nous réagissons toutes et tous de façon différente face aux évènements.
2- Avez-vous une zone d’inconfort ?
Qui parle de zone de confort doit assumer sa propre zone d’inconfort ! Encore une fois, cela semble trivial, mais c’est fondamental ! Quelles sont les choses que vous détestez dans votre vie professionnelle ?
Je vous donne un exemple simple : je déteste, profondément, faire ma comptabilité. Si quelqu’un me demande de sortir de ma zone de confort, je pourrais aller faire ma comptabilité… mais la probabilité que je m’épanouisse est très, très limitée.
Sortir de sa zone de confort n’est pas un absolu en soi ! Avant de se lancer, il est important de savoir ce que vous n’aimez pas afin de ne prendre aucun risque de passer d’une zone d’inconfort à une autre.
Alors oui, je sais, ce n’est pas politiquement correct de dire qu’il y a des choses que l’on n’aime pas dans son travail, mais cela est d’une hypocrisie crasse !!! Dans un travail, quand tout va bien, il y a 80% des taches quotidienne que l’on adore ou qui ne nous dérangent pas, et 20% que l’on n’aime vraiment pas, mais alors pas du tout…. Et c’est normal !
Quels sont vos 20% à vous ? Oui, passer par une liste n’est pas très high tech… mais cela fonctionne !
“Le courage n'est rien sans la réflexion.” Euripide
3- Faut-il vraiment que vous agissiez ?
Ce qui me dérange dans ce concept de sortir de sa zone de confort, c’est que l’on présente cela comme étant un absolu, comme LA solution pour être heureux au travail ! Et bien non, vous avez le droit absolu de vous contenter de ce que vous avez. Oui, vous avez le droit de ne pas vouloir plus, de ne pas vouloir mieux. Vous aimer tel que vous êtes n’est pas le signe d’une démission totale !
La chose qui me semble essentielle, c’est de ne pas vous voiler la face et d’être honnête avec vous-même, dans les bons comme dans les mauvais aspects. Comme je le rappelle souvent, nous sommes trois fois plus sensibles au négatif qu’au positif et il est important d’avoir cela à l’esprit : après une journée qui vous semble vraiment désagréable, posez-vous la question de savoir si le fait d’avoir un regard négatif sur votre journée est réel, ou si ce n’est pas le négatif qui a fini par effacer votre perception du positif.
En tant qu’être humain, nous avons souvent la tendance à penser que l’herbe est plus verte dans le champ d’à côté… ce n’est pas toujours vrai. En face de mon bureau, en très gros, une phrase est imprimée : « le bonheur, ce n’est pas d’avoir tout ce que l’on désire, mais d’apprécier ce que l’on a ».
Cette théorie de la zone de confort va à l’encontre de cette affirmation, et je pense, profondément, que c’est une erreur.
CONCLUSION
Avoir une zone de confort n’est pas mal. Celles et ceux qui vous présentent cette zone de confort comme le mal absolu ont tendance à vouloir vous faire croire que vouloir rester dans cette zone est signe d’un manque d’ambition. De paresse. Et si vouloir rester dans cette zone était tout simplement le signe d’une volonté d’être bien… juste bien.
Vous ne le savez peut-être pas, mais j’aime les proverbes français. Et je trouve que l’un d’entre eux est particulièrement bien adapté au sujet de cet article : le mieux est l’ennemi du bien. Vouloir sortir de sa zone de confort, c’est exactement cela… le faire n’est pas nécessairement bien, ou mal… le tout est d’avoir conscience de ce que l’on fait ; mais surtout, avant d’agir, il est fondamental de savoir exactement où on en est !
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