Le burn-out est-il devenu “normal” au travail ?
- Gaël Chatelain-Berry

- 23 sept.
- 5 min de lecture
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Il y a quelques années encore, le mot burn-out appartenait au vocabulaire des spécialistes : médecins du travail, psychologues, chercheurs en santé mentale. Aujourd’hui, il est sur toutes les lèvres. Il suffit de tendre l’oreille à la machine à café ou de parcourir les réseaux sociaux pour s’apercevoir que ce terme est entré dans le quotidien des entreprises.
Est-ce une bonne nouvelle, signe que la parole se libère ? Ou au contraire un constat inquiétant : celui de la banalisation d’un mal-être profond qui ne choque plus personne ?
C’est la question que je me suis posée en voyant les résultats d’un sondage récent que j’ai publié sur mon profil LinkedIn. À la question « Le burn-out est un sujet qui m’inquiète à titre personnel », 11 % des répondants ont indiqué « pas du tout », 25 % « un peu », 31 % « tout à fait » et 32 % « j’y fais très attention ». Autrement dit, près de deux personnes sur trois se sentent concernées par le sujet et une sur trois l’est au point de surveiller attentivement ses signaux faibles.

Alors, le burn-out est-il en train de devenir une “normalité” du travail ?
Le burn-out, un symptôme qui ne choque plus
Quand un problème devient trop fréquent, il risque de perdre son caractère d’alerte. Autrefois, lorsqu’un salarié « craquait », l’événement était exceptionnel. On s’interrogeait : que s’est-il passé ? Comment une telle chose a-t-elle pu arriver ?
Aujourd’hui, combien d’entre nous connaissent une collègue, un ami, un proche… qui a vécu un burn-out ? Beaucoup. Trop. Et c’est bien là le danger : lorsque le burn-out cesse de provoquer l’indignation et devient une fatalité. Comme si, au même titre que les embouteillages ou les réunions inutiles, il faisait partie du paysage professionnel.
Pourtant, rappelons-le : le burn-out n’est pas une mauvaise passe. Ce n’est pas “juste” de la fatigue. C’est un effondrement, un arrêt brutal, un signal que quelque chose ne va plus du tout dans notre façon de travailler, de manager, d’organiser nos entreprises.
Une inquiétude massive… mais passive
Les résultats de mon sondage sont frappants. Soixante-trois pour cent des répondants disent être inquiets du burn-out, dont un tiers au point d’y prêter une grande attention. À première vue, on pourrait se réjouir de cette prise de conscience. Mais la vigilance individuelle, si elle n’est pas accompagnée d’actions collectives, reste insuffisante.
C’est un peu comme dire « je m’inquiète du réchauffement climatique » tout en prenant l’avion trois fois par mois. L’intention est louable, mais si les structures — ici, les entreprises — ne changent pas, rien ne bouge vraiment.
Beaucoup de salariés sont attentifs à leurs propres limites, surveillent leurs signaux d’alerte, tentent de préserver leur équilibre. Mais si l’organisation continue d’exiger des délais irréalistes, de multiplier les mails à toute heure et de glorifier l’urgence, cette vigilance restera un pansement sur une plaie béante. En d’autres termes : s’inquiéter du burn-out ne suffit pas.
De la normalisation à la banalisation
Pourquoi en est-on arrivé là ? Parce que le travail s’est progressivement construit autour d’un modèle héroïque : celui du salarié qui encaisse, qui tient, qui fait toujours plus avec moins. Ce « syndrome du super-héros » a longtemps été valorisé. Le collaborateur qu’on admire, c’est celui qui reste tard le soir, qui répond aux mails le dimanche, qui ne dit jamais non.
Mais derrière cette image flatteuse, il y a une réalité destructrice. Plus ce comportement est encouragé, plus le risque de burn-out devient normalisé. Quand une personne s’effondre, on compatit quelques jours, puis on retourne à nos urgences. Quand elle revient, on évite parfois d’en parler, comme si le sujet était gênant. Et l’entreprise continue son chemin, comme si de rien n’était.
C’est exactement cette banalisation qui est dangereuse : non seulement on tolère le burn-out, mais on l’intègre comme une variable parmi d’autres de la vie professionnelle.
Le rôle central du management
Soyons clairs : la responsabilité n’incombe pas uniquement aux individus. Un salarié peut être vigilant, écouter ses besoins, prendre soin de lui… mais si son manager ne respecte pas ces efforts, le risque demeure.
Le management bienveillant n’est pas une option, c’est une nécessité. Cela passe par la capacité à dire non aux injonctions irréalistes, par le fait de valoriser la qualité plutôt que la quantité, par l’exemple donné au quotidien. Un manager qui envoie des mails à minuit envoie aussi un message implicite à son équipe. C’est également la création d’un climat où la parole est libre, où chacun peut dire « je suis fatigué » sans craindre d’être jugé faible.
Quand un tiers des répondants disent s’inquiéter « tout à fait » du burn-out, cela traduit une peur diffuse, mais aussi un manque de confiance dans la capacité des entreprises à protéger leurs collaborateurs.
Redonner au travail son rôle : contribuer à la vie, pas l’épuiser
Le burn-out est le signe ultime d’un travail qui a perdu son sens : au lieu de contribuer à l’épanouissement, il détruit. Et si nous changions de perspective ? Et si, plutôt que de considérer le burn-out comme une fatalité, nous le regardions comme un révélateur ?
Un révélateur que nos organisations doivent évoluer. Un révélateur que le bien-être au travail n’est pas un luxe, mais une condition de performance durable. Car rappelons-le : une personne en burn-out ne produit plus rien, pendant des mois, parfois des années. La prévention n’est donc pas seulement une question d’humanité, c’est aussi une question d’efficacité collective.
Conclusion : sortir du “burn-out normal”
Le burn-out n’est pas normal. Il ne doit pas être normalisé, ni toléré, ni banalisé. Les résultats de mon sondage montrent qu’il inquiète une majorité de salariés. C’est un signal fort. Mais ce signal ne doit pas rester sans suite.
Le travail peut être exigeant, stimulant, parfois fatigant. Mais il ne doit jamais être destructeur. C’est notre responsabilité collective — salariés, managers, dirigeants — de rappeler que la santé mentale n’est pas négociable.
Alors, la prochaine fois que vous entendrez quelqu’un dire « c’est normal, tout le monde est au bord du burn-out »… osez répondre : non. Ce n’est pas normal. Et nous devons agir.
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