Messieurs, et si nous laissions (enfin) la parole aux femmes ?
Illustration : @demaincommenceajourdhui / https://www.instagram.com/demaincommenceaujourdhui/
Depuis quelques mois, je suis très actif sur le réseau social vocal, Clubhouse* et, la semaine dernière, lors d’un débat sur la prise de parole, l’une des participantes a donné les résultats d’une étude qui m’a donné envie d’écrire cet article. Cette étude, réalisée par la Brigham Young University a estimé que les hommes utilisent, pendant une réunion de travail, 75% du temps de parole et qu’ils interrompent une femme 23% de plus qu’un homme.
Ce fait, je m’en doutais un petit peu à vrai dire pour l’avoir constaté pendant mes années en entreprise, mais ce sont les réactions qui ont suivi cette révélation qui m’ont « choqué ». En effet, beaucoup d’intervenants disaient que la solution à ce problème était simple : il suffisait que les femmes s’imposent, qu’elles osent parler. En gros, si les hommes se comportent comme des goujats, c’est aux femmes de se battre.
Posons-nous une question toute simple : et si, pour une fois, au lieu de pousser les femmes à adopter nos codes masculins bourrés de testostérone, nous, les hommes, nous essayions de changer notre comportement ?
1- Ne parler que quand cela s’impose
Avez-vous remarqué comment cela passe en réunion ? Un homme qui ne prendrait pas la parole est une chose relativement inenvisageable. Question de pouvoir, question de marquage de territoire. Vous allez me dire : OK, mais pourquoi les femmes ne font pas de même ?
Question de culture, question d’habitudes, question de syndrome de l’imposteur qui fait qu’une femme ne ressent pas le besoin viscéral de s’exprimer si elle ne pense pas que sa parole est absolument essentielle.
La solution ? Dans une réunion, toute personne est essentielle. Si la personne est présente, c’est parce qu’elle a une utilité à la réunion. Si tel n’est pas le cas, autant ne pas lui faire perdre de temps dans ladite réunion. Par contre, si 5 personnes sont dans une réunion, la personne qui organise doit être garante du temps de parole de toutes et de tous et doit inviter chaque participant à parler.
“Les hommes sont des femmes comme les autres.” Groucho Marx
2- Ne pas couper la parole
Connaissez-vous ce mot : « manterruption » ? Ce terme a été inventé en 2015, suite au premier débat télévisé entre Donald Trump et Hillary Clinton. Trump aurait interrompu son adversaire 50 fois, et cette dernière ne l’aurait fait que 10. Mais ce phénomène a été constaté en France également. Pendant les débats pour les dernières primaires à droite, Buzz Feed a remarqué que Nathalie Kosciuszko Morizet a été interrompue 27 fois par ses adversaires masculins, plus du double que l’ensemble de ses adversaires.
Là, il s’agit bien de se rappeler des bonnes leçons que nos parents nous donnaient. Oui, il s’agit de simple politesse, de ne pas finir la phrase de notre interlocutrice parce que l’on imagine en connaitre la fin ; de savoir se taire pour écouter véritablement au lieu de penser par avance à la réponse que l’on va faire.
La solution : nous sommes toutes et tous responsables du « bon vivre ensemble ». Il est important de se sentir individuellement responsable du bien-être commun et du bien vivre ensemble. En tant qu’homme, si vous constatez que l’un de vos collègues masculin coupe souvent la parole aux gens, n’hésitez pas à intervenir et à lui faire remarquer gentiment qu’il serait bon qu’il laisse les personnes finir leur raisonnement. C’est beaucoup plus simple à faire pour un homme que pour une femme, surtout si la personne coupe plus la parole aux femmes qu’aux hommes.
3- Être attentif
L’entreprise a des codes comportementaux et ces codes sont, historiquement, masculins. J’aime tout particulièrement cette phrase de Simone Veil : « Ma revendication en tant que femme, c’est que ma différence soit prise en compte, que je ne sois pas contrainte de m’adapter au modèle masculin. »
Malheureusement, il n’est pas simple pour une femme de faire changer ces codes. Je vous donne un exemple tout simple : un groupe de salariés se retrouve dans l’espace détente de l’entreprise, 5 hommes, une femme. L’un des hommes prend la parole et raconte une blague particulièrement sexiste. Ses 3 collègues homme s’esclaffent, la femme est choquée et ose dire « excuse-moi, mais je trouve ta blague profondément insultante ». Malheureusement, 9 fois sur 10, la réaction codée sera « Rooooo, mais tu n’as vraiment pas d’humour toi ».
L’un des principes des codes en entreprise est d’être particulièrement adaptés aux hommes pour une raison toute simple : ces codes ont été créé depuis des siècles, pendant une longue période où les femmes n’avaient pas voix au chapitre.
La solution : la notion des codes en entreprise est au centre de mon dernier roman « Sois un homme ma fille ». Sans vous révéler toute l’histoire, l’héroïne trouve une solution pour faire exploser le plafond de verre : se faire passer pour un homme. Bien entendu, cela ne peut être une solution ; en fait, le seul moyen est de faire évoluer petit à petit les codes en entreprise pour que ces derniers soient de moins en moins genrés.
Dans l’exemple donné précédemment, c’est idéalement à un homme de faire remarquer à son collègue que sa plaisanterie est déplacée.
CONCLUSION
Nous avons toutes et tous la possibilité de faire évoluer les choses. Cependant, il me semble absolument primordial que nous, les hommes, prenions conscience que les codes en place sont parfaitement adaptés à notre nature/culture d’hommes et que nous avons un rôle important à jouer dans l’évolution de ceux-ci.
Non, nous n’avons rien à y perdre. Peut-être un peu de temps de parole. Mais, soyons honnêtes avec nous même, tout ce qui est dit pendant une réunion n’est pas fondamental, loin s’en faut. Imaginez un monde dans lequel tout ce qui serait dit en réunion serait essentiel, dans lequel chaque personne puisse contribuer à l’intelligence collective… pas mal, non ?
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