RH et Intelligence Artificielle : au-delà du pour et du contre, une réalité nuancée
- Gaël Chatelain-Berry

- 13 mai
- 6 min de lecture
🔥🔥 Pour écouter la version audio de cet article ou regarder la version vidéo =>>> https://lnk.to/S6IFmA . 🔥🔥
Vous l'avez sans aucun doute remarqué depuis quelques mois, l'intelligence artificielle s'impose comme un levier de transformation majeur, et les ressources humaines ne sont pas épargnées. Avec mon partenaire, Great Place To Work à l'occasion des Great Place To Work in Tech 2025 qui seront révélées le 10 juin 2025, nous avons décidé de creuser la question.
Pour mieux comprendre la perception des professionnels face à cette révolution technologique, j'ai mené un sondage sur LinkedIn qui a révélé des résultats particulièrement éclairants. La question : "Selon vous, l'utilisation de l'IA est-elle compatible avec la gestion des RH ?". Sur les plus de 2 200 participants, les réponses ont été diversifiées : 24% estiment que l'IA est totalement compatible avec les RH, 12% pensent qu'elle ne l'est pas du tout, 17% avouent ne pas savoir, tandis qu'une majorité de 47% considère que la compatibilité dépend des usages. Ces chiffres révèlent une réalité nuancée qu'il convient d'explorer en profondeur, en partant du principe que l'IA n'est un danger que si on l'utilise mal.
Je le répète souvent en comparant l'IA à un marteau, si si... imaginez, vous souhaitez planter un clou et là, patatra, coup de marteau sur le doigt... qui est à blamer ? Le marteau ou la personne qui l'utilise ?
L'IA en RH : une réalité déjà présente
Aujourd'hui, l'intelligence artificielle s'est déjà invitée dans de nombreux processus RH : recrutement, onboarding, formation, gestion des talents ou encore analyses prédictives. Les 24% de répondants qui voient l'IA comme totalement compatible avec les RH reconnaissent probablement les bénéfices tangibles de ces applications et avant toute chose, l'automatisation des tâches administratives, libérant ainsi du temps précieux en prenant en charge les processus répétitifs et chronophages. Elle offre également une analyse de données à grande échelle, identifiant des tendances et des corrélations invisibles à l'œil humain. Sa capacité à personnaliser l'expérience collaborateur permet d'adapter les parcours de formation et de développement. Enfin, elle constitue une aide précieuse à la décision en fournissant des informations objectives pour éclairer les choix stratégiques.
Ces avantages indéniables expliquent l'enthousiasme d'un quart des professionnels interrogés, qui voient en l'IA une alliée précieuse dans la modernisation de la fonction RH.
Les craintes légitimes face à l'IA en RH
À l'opposé, 12% des répondants expriment une opposition catégorique à l'utilisation de l'IA dans les processus RH. Ces réticences méritent notre attention, car elles pointent des risques réels :
La déshumanisation de la relation au travail constitue une préoccupation majeure, avec le risque de perdre le contact humain essentiel dans les RH. Les biais algorithmiques peuvent reproduire ou amplifier des discriminations existantes. L'opacité des décisions pose problème, avec une difficulté à comprendre et expliquer certains choix de l'IA. La protection des données personnelles soulève des questions liées à la confidentialité et au respect de la vie privée. Enfin, la déqualification des professionnels RH représente une crainte légitime, avec le spectre d'une perte de compétences et d'expertise.
Ces préoccupations ne doivent pas être balayées d'un revers de main, car elles constituent des alertes importantes sur les dangers potentiels d'une IA mal encadrée ou mal utilisée. Certes, la peur n'évite pas le danger et c'est pour cette raison qu'il me semble fondamental que ces sujets soient traités en toute transparence au sein des services RH. Oui, bien entendu, certains métiers seront transformés, certains disparaitront probablement... mais seront compensés par de nouveaux dont nous n'avons pas encore idée.
L'incertitude face à une technologie en évolution rapide
Les 17% de participants qui avouent ne pas savoir si l'IA est compatible avec les RH reflètent un sentiment d'incertitude compréhensible. L'IA évolue à une vitesse fulgurante, rendant difficile l'anticipation de ses impacts futurs. Cette incertitude traduit aussi un besoin d'information et de formation pour mieux appréhender ces technologies émergentes. À titre personnel, je dois bien vous avouer que l'IA a radicalement transformé mon métier, notamment de podcasteur en me faisant gagner un temps incroyable. Former les équipes et voir AVEC ELLES de quelle manière l'IA peut améliorer leur quotidien... voilà une approche qui me semble intéressante. L'IA au service des équipes, pas l'inverse !
La vision nuancée : une approche contextuelle de l'IA en RH
La réponse majoritaire (47%) – "Ça dépend pour quoi" – illustre une vision nuancée et pragmatique de l'IA en RH. De vous à moi, je fais partie de ces 47%.
Cette approche contextuelle reconnaît que la pertinence de l'IA varie selon les processus, les objectifs et les conditions de mise en œuvre. L'IA peut être particulièrement pertinente pour l'analyse de données volumineuses, l'automatisation administrative, la présélection de candidatures, les chatbots d'information RH et la détection de talents internes. Elle doit cependant être utilisée avec précaution dans des domaines comme l'évaluation des performances, la détection des potentiels ou les décisions de mobilité interne. Certains domaines, en revanche, semblent peu adaptés à l'intervention de l'IA, comme la gestion de crise, les situations de souffrance au travail, les négociations sensibles ou encore les décisions stratégiques complexes qui nécessitent une finesse d'analyse proprement humaine. Les émotions humaines et la façon dont elles interagissent sont des domaines inaccessibles aux IA.
Cette vision différenciée correspond à une maturité croissante dans l'appréhension de l'IA comme outil au service d'une stratégie RH, et non comme une fin en soi.
Utiliser l'IA en RH de manière responsable : principes directeurs
En fait, pour que l'IA devienne un atout et non un danger dans le domaine des RH, plusieurs principes fondamentaux doivent être respectés :
Garder l'humain au centre
L'IA doit rester un outil d'aide à la décision et non un décideur autonome. Les professionnels RH conservent leur rôle essentiel d'écoute, d'empathie et de médiation. L'IA doit libérer du temps pour renforcer ces dimensions humaines plutôt que les remplacer.
Assurer transparence et explicabilité
Les processus impliquant l'IA doivent être compréhensibles et explicables aux collaborateurs concernés. La "boîte noire" algorithmique n'est pas acceptable dans un domaine aussi sensible que les RH. Cette transparence est fondamentale pour instaurer la confiance nécessaire à l'adoption sereine de ces technologies.
Lutter activement contre les biais
Une vigilance constante est nécessaire pour identifier et corriger les biais potentiels des algorithmes qui sont, ne l'oublions pas, créés à l'origine tout du moins, par des humains. Cette démarche implique des audits réguliers, des équipes diversifiées et des méthodologies rigoureuses pour garantir l'équité des processus augmentés par l'IA.
Former et accompagner les équipes RH
L'adoption de l'IA nécessite un développement des compétences des professionnels RH, incluant la compréhension des principes algorithmiques, la capacité d'interprétation des résultats et le discernement dans leur application. Cette montée en compétence est essentielle pour maintenir la pertinence et la valeur ajoutée de la fonction RH.
Respecter un cadre éthique strict
L'utilisation de l'IA en RH doit s'inscrire dans une démarche éthique explicite, avec des lignes rouges clairement définies et des mécanismes de gouvernance adaptés. Ce cadre permet d'établir les limites nécessaires pour préserver l'intégrité de la relation humaine au cœur des RH.
Conclusion
Les résultats du sondage révèlent une conscience collective des enjeux liés à l'IA en RH. La prédominance de réponses nuancées montre que les professionnels ont dépassé l'opposition binaire entre technophilie et technophobie pour adopter une approche plus mature.
À mon sens, l'IA n'est intrinsèquement ni bonne ni mauvaise pour les RH – c'est son utilisation qui détermine sa valeur et son impact. Comme le disait Montesquieu : "Pour savoir quelque chose, il faut l'avoir pratiqué." L'expérimentation responsable, encadrée par des principes éthiques solides et un sens aigu de la finalité humaine des RH, constitue sans doute la voie la plus prometteuse.
Le défi pour les organisations n'est pas tant d'adopter ou de rejeter l'IA, mais plutôt de définir avec précision où, quand et comment l'intégrer dans leurs processus RH pour qu'elle serve véritablement le développement humain au sein de l'entreprise.
Loin des discours simplistes, il s'agit de construire une vision nuancée qui reconnaît à la fois les défis et les opportunités de cette transformation culturelle. L'avenir des RH se dessine dans cette capacité à faire de l'IA un levier d'humanisation du travail, et non une force de standardisation et d'appauvrissement relationnel.
Gaël Chatelain-Berry
MON DERNIER LIVRE (déjà le 16ième !!!)













.jpg)