FORMATION CONTINUE : UN IMPÉRATIF NÉGLIGÉ PAR LES ENTREPRISES
- Gaël Chatelain-Berry
- 20 mai
- 6 min de lecture
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Selon le récent sondage mené sur mon profil LinkedIn auprès de plus de 2 000 personnes, près de 70% des professionnels estiment que leur entreprise ne se soucie pas suffisamment de leur montée en compétences individuelle. Plus précisément, 37% des répondants affirment que leur organisation ne s'en préoccupe "pas du tout", tandis que 32% considèrent que ce n'est "pas toujours" le cas. À l'inverse, seulement 9% se disent "totalement" satisfaits de l'attention portée à leur développement professionnel, et 22% sont "plutôt" satisfaits.

Ces résultats sonnent comme un avertissement pour les dirigeants et les responsables RH. Franchement, depuis quelques années, rien de vraiment nouveau, mais, quand même, l'obsolescence des compétences accélère et la formation continue n'est plus un luxe mais une nécessité stratégique. Pourtant, force est de constater que les entreprises peinent encore à en faire une priorité véritable.
L'apprentissage perpétuel : une nécessité, pas une option
L'ère numérique a fondamentalement transformé notre rapport au savoir et aux compétences. La durée de vie d'une compétence technique est désormais estimée à environ 2 à 5 ans selon les secteurs. L'intelligence artificielle, l'automatisation et la transformation digitale redessinent constamment les contours des métiers. Face à cette réalité, l'apprentissage perpétuel s'impose comme le seul rempart contre l'obsolescence professionnelle.
Contrairement aux idées reçues, cette nécessité concerne tous les profils, quel que soit leur âge ou leur niveau d'expérience. Le professionnel expérimenté qui se repose sur ses acquis risque tout autant la disqualification que le jeune diplômé qui négligerait de maintenir ses connaissances à jour. Notre valeur sur le marché du travail réside désormais dans notre capacité à apprendre, désapprendre et réapprendre continuellement.
Et, ça, je peux en témoigner dans mon métier, notamment de podcasteur : si je produisais Happy Work aujourd'hui comme je le faisais il y a 7 ans, je ne pourrais absolument pas sortir 4 épisodes chaque jour... c'est certain !
Le paradoxe des entreprises
Mais comment expliquer ce décalage entre l'importance stratégique de la formation continue et le peu d'investissement ressenti par les collaborateurs ? Les raisons sont multiples et souvent systémiques.
D'abord, de nombreuses organisations restent prisonnières d'une vision à court terme, privilégiant les résultats immédiats aux investissements de long terme dans le capital humain. La formation est encore trop souvent perçue comme un coût plutôt qu'un investissement, malgré les études démontrant son impact positif sur la productivité, l'engagement et la rétention des talents. Quand l'économie est incertaine, naturellement et légitimement, les entreprises se focalisent sur le court terme.
Ensuite, les budgets de formation sont généralement alloués de façon uniforme, sans réelle prise en compte des besoins individuels. Les plans de développement personnalisés restent l'exception plutôt que la règle, comme le confirment les 37% de répondants qui estiment que leur entreprise ne se soucie "pas du tout" de leur montée en compétences individuelle.
Enfin, la culture d'apprentissage continu peine à s'imposer dans des environnements de travail surchargés, où le temps manque et où l'urgence l'emporte systématiquement sur l'important. Combien de formations sont annulées au dernier moment pour gérer une crise ou respecter un délai ? Combien de collaborateurs renoncent à leur droit à la formation par peur de surcharger leurs collègues ou de prendre du retard dans leurs missions ?
Les conséquences d'un désinvestissement
Le manque d'attention portée au développement des compétences individuelles n'est pas sans conséquences. Pour les collaborateurs, c'est un puissant facteur de désengagement et de perte de sens. Se sentir stagner professionnellement alimente un sentiment d'insécurité face à l'avenir et peut conduire à des départs prématurés. Selon diverses études, l'opportunité d'apprendre et de se développer figure régulièrement parmi les premières motivations citées par les salariés, devant même la rémunération pour certaines générations.
Pour les entreprises, le coût est tout aussi important. La perte de talents, la baisse de productivité et l'incapacité à s'adapter aux évolutions du marché sont autant de conséquences directes d'un sous-investissement dans les compétences humaines. Une organisation qui néglige le développement de ses collaborateurs s'expose à une obsolescence collective qui menace sa pérennité même.
Le cercle vicieux s'installe alors : moins l'entreprise investit dans les compétences, moins elle reste compétitive ; moins elle est compétitive, moins elle dispose de ressources pour investir dans la formation. Briser ce cycle néfaste nécessite une prise de conscience et un changement de paradigme.
Vers une culture d'apprentissage continu
Comment inverser la tendance révélée par ce sondage ? Comment faire partie des 9% d'entreprises qui, selon les répondants, se soucient "totalement" de la montée en compétences individuelle de leurs collaborateurs ?
La première étape consiste à faire de l'apprentissage continu une valeur centrale de la culture d'entreprise. Cela implique que les dirigeants montrent eux-mêmes l'exemple en consacrant du temps à leur propre développement et en valorisant ouvertement l'acquisition de nouvelles compétences. Une organisation apprenante se construit d'abord par le haut et, comme je le dis souvent, un escalier, ça se nettoie toujours en commençant par le haut !
Ensuite, il convient de repenser les processus de développement des compétences pour les rendre plus personnalisés et plus agiles. Les entretiens annuels ne suffisent plus ; le développement professionnel doit faire l'objet d'un dialogue continu entre le manager et le collaborateur. Les plans de développement individuels doivent refléter à la fois les besoins de l'entreprise et les aspirations personnelles du collaborateur.
L'apprentissage doit également s'intégrer au flux de travail quotidien plutôt que d'être relégué à des sessions formelles occasionnelles. Les formats courts, les micro-apprentissages, le mentorat et les communautés de pratique permettent d'apprendre en continu sans nécessairement s'absenter du poste de travail. La technologie offre aujourd'hui des possibilités sans précédent pour démocratiser l'accès au savoir et personnaliser les parcours d'apprentissage.
Enfin, les efforts de développement doivent être reconnus et valorisés. Intégrer l'acquisition de compétences dans les critères d'évaluation et de promotion envoie un message clair sur l'importance accordée à l'apprentissage continu. Célébrer les réussites d'apprentissage comme on célèbre les réussites commerciales contribue également à renforcer cette culture.
La responsabilité partagée
Si l'entreprise a un rôle crucial à jouer, la responsabilité du développement professionnel est néanmoins partagée. Les collaborateurs doivent également prendre en main leur propre parcours d'apprentissage, identifier leurs besoins et saisir les opportunités disponibles.
Cette responsabilité partagée ne doit cependant pas servir de prétexte aux organisations pour se désengager. Comme le montre mon sondage, les professionnels sont conscients de l'importance de leur développement - c'est précisément pourquoi ils expriment leur insatisfaction quand leur entreprise n'y accorde pas suffisamment d'attention.
L'équilibre idéal repose sur un engagement mutuel : des collaborateurs proactifs dans l'identification de leurs besoins d'apprentissage et des organisations qui fournissent le temps, les ressources et la reconnaissance nécessaires pour les satisfaire.
Au-delà de la formation formelle
Il est important de souligner que la montée en compétences ne se limite pas aux formations formelles. L'apprentissage peut prendre de multiples formes : projets transverses, rotations de postes, missions temporaires, participation à des communautés professionnelles externes, ou même enseignement à d'autres collaborateurs.
Ces modalités "non formelles" présentent souvent l'avantage d'être plus directement connectées aux réalités opérationnelles et de générer une valeur immédiate pour l'organisation tout en développant les compétences individuelles. Elles permettent également de développer les soft skills - ces compétences comportementales de plus en plus cruciales que les formations traditionnelles peinent parfois à adresser.
Conclusion
Les résultats de mon sondage LinkedIn sont sans appel : avec 69% des répondants qui estiment que leur entreprise ne se soucie pas assez de leur montée en compétences individuelle, nous faisons face à un défi collectif majeur.
J'en suis convaincu, de nos jours, l'apprentissage continu n'est plus un avantage compétitif, mais une condition de survie - tant pour les individus que pour les organisations. Les entreprises qui l'ont compris et qui font partie des 9% jugées pleinement engagées dans le développement de leurs collaborateurs disposent d'un avantage considérable.
Pour les autres, le message est clair : il est temps de passer des discours aux actes et de faire de la formation continue une priorité concrète, visible et mesurable. Les organisations qui négligeront cet impératif risquent non seulement de perdre leurs meilleurs talents, mais aussi de compromettre leur capacité d'adaptation et d'innovation à long terme.
Car en définitive, la question n'est pas de savoir si nous pouvons nous permettre d'investir massivement dans le développement des compétences, mais plutôt si nous pouvons nous permettre de ne pas le faire.
Gaël Chatelain-Berry
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